Exposition
CARSTEN HÖLLER: Y
Du 24 Juin, 2017 au 10 Septembre, 2017
Commissaires: Vicente Todolí (Président de la Commission de Conseil d’Arts Plastiques de la Fondation Botín) et Udo Kittelmann (Directeur de la National Galerie Berlin).
Le Centre Botín présente la première et la plus ambitieuse exposition monographique de Carsten Höller (Bruxelles, 1961) jamais réalisée en Espagne. Un parcours unique dans la production de cette dernière décennie de cet artiste belge renommé au niveau international pour son exploration de la nature et sa volonté de faire vivre une expérience au spectateur qui interagit et complète ses œuvres d’art.
L’exposition comprend quatorze œuvres parmi lesquelles on retrouve certains de ses travaux les plus célèbres aux côtés d’autres créations plus récentes, créées spécifiquement pour l’exposition du Centre Botín.
La sélection inclut des œuvres aussi emblématiques que Y (2003) ou Elevator Bed (2010), grâce à laquelle les visiteurs pourront passer la nuit au Centre Botín ainsi que High Psychotank (2015) qui leur permettra de plonger et de flotter dans un grand caisson.
La décision d’inaugurer le nouveau Centre Botín signé Renzo Piano et Carsten Höller fait écho à l’intérêt de la Fondation Botín qui revendique aussi que l’art est une expérimentation résultant d’une interaction active entre le visiteur et l’œuvre d’art. L’œuvre de Höller exige une approche particulièrement participative de l’œuvre d’art, s’apparentant à un medium, une construction complexe qui nous rend plus conscients et alertes et qui nous permet, éventuellement, d’avoir un point de vue plus critique de la réalité.
S’inspirant de l’architecture du bâtiment pour concevoir la structure de l’exposition, Carsten Höller a choisi de reproduire la symétrie de ce vaste espace ouvert par deux grandes baies vitrées à chaque bout, pour créer deux parcours distincts. Le premier parcours se termine sur une vue spectaculaire de la ville, et le deuxième tout aussi impressionnant surplombe la baie de Santander.
Cette idée de diviser en deux l’expérience de l’exposition est très représentative de la recherche qu’Höller entreprend sur la notion du double, de la duplication, une idée qui renferme aussi l’obligation de faire un choix. À l’entrée, en guise de porte d’accès de l’exposition, le visiteur se trouve face au célèbre Y (ET en espagnol), une œuvre présentée à la Biennale de Venise de 2003, qui le confronte à un choix immédiat: quel chemin prendre ? La sculpture, le couloir avec une entrée et deux sorties, est le titre de l’exposition: lue comme un signal de bifurcation, le Y souligne le besoin de prendre une décision pour construire sa propre expérience de l’exposition. Le Y, upsilon grec, est la lettre de Pythagore, le philosophe et mathématicien grec s’en servit en effet comme devise du chemin menant soit à la vertu soit au vice. Plusieurs domaines scientifiques l’utilisent également comme symbole, ce qui, de ce point de vue annonce le caractère scientifique et expérimental de la recherche artistique que Höller explore au fil de son parcours artistique.
Carsten Höller est un scientifique, et Docteur en Agronomie, spécialiste des stratégies de communication olfactive des insectes. La période initiale de sa carrière artistique —jusqu’en 1994— allait de pair avec ses recherches en entomologie. Personnage clé d’une génération d’artistes dont la recherche s’appuie sur la dénommée «esthétique relationnelle», Höller élabore ses œuvres comme des interfaces servant à susciter une expérimentation. Du fait de l’aspect sculptural de son travail, c’est la façon dont le visiteur interagit avec les objets, qui permet à l’œuvre d’être complète. À l’instar d’un scientifique lors d’une expérience en laboratoire, le visiteur active la partie de son choix et observe ensuite le résultat de son interaction. L’approche perceptuelle induite dans chaque œuvre est essentielle dans l’acte créateur de cet artiste qui a exploré, entre autres, l’effet des ondes lumineuses ou l’absorption de produits chimiques sur son activité cérébrale et celle de son public, ainsi que les conséquences sur la façon de percevoir l’environnement alentour.
Ainsi, l’effet des scintillements lumineux crée 7.8 Hz, une intervention sur le système d’éclairage du jardin public qui entoure le Centre Botín. L’effet du clignement a été dans les années vingt, objet de recherches en Allemagne lesquelles ont abouti à l’invention de l’électroencéphalographie. Le titre, 7.8 Hz, renvoie à la fréquence précise des scintillements lumineux de l’œuvre. Dénommée «Résonance Schumann», cela correspond à l’un des champs électromagnétiques de la Terre, mais c’est aussi une fréquence de grande puissance utilisée dans la synchronisation des ondes cérébrales; elle stimule les taux de croissance des hormones humaines et le flux du sang dans le cerveau, provocant de ce fait un profond état de conscience. Ce même effet de clignement est utilisé dans Light Corridor, l’œuvre la plus récente d’un ensemble utilisant cette fréquence.
L’exposition montre également de nouvelles versions de Swinging Curve (2009) et Swinging Spiral (2010), deux structures en forme de tunnel suspendues à environ un centimètre du sol et dont le léger balancement modifie notre perception de l’espace. Seven Sliding Doors (2016) est une autre structure en tunnel, avec sept portes-miroirs automatiques à deux faces, installées à une distance identique. Quand on avance dans le couloir entouré de miroirs, l’ouverture et la fermeture successive des portes amplifient et réduisent l’espace qui multiplie notre propre reflet.
À partir d’expérimentations militaires d’isolement sensoriel, High Psychotank (2015) est une construction en hauteur qui contient un caisson rempli d’eau saturée de sel d’Epsom à température du corps. En se reposant dans cette solution saline, le corps humain atteint un niveau de relaxation absolue difficile à obtenir via d’autres procédés.
Hormis la dualité du parcours de l’exposition, le concept de duplicité, de double, caractérise le travail de Carsten Höller qu’on retrouve dans Twins. Commencée en 2005 à Tokyo, cette œuvre ne cesse d’évoluer depuis ? À chaque fois qu’elle est exposée, elle inclut un duo de vraies jumelles locales. La version de Santander affiche des gravures en vidéo de neuf couples de jeunes femmes provenant de neuf pays différents. Présentés sur des moniteurs en forme de couloir, les deux membres de chaque duo sont placés l’un en face de l’autre et prononcent, dans leur langue, des affirmations opposées.
Même si le concept du double est prépondérant dans l’œuvre de Carsten Höller, l’artiste explore aussi dans une série de travaux, le concept antagonique de la division. Cette investigation commença avec Division Wall, un dessin mural basé sur une formule mathématique permettant de peindre un mur en le divisant en fragments, chacun mesurant la moitié de la taille du précédant. La structure Platform obéit au même principe: chacune des portions circulaires mobiles, insérées dans la surface en métal, est la moitié de la précédente. En marchant dessus, le spectateur active une rotation, pouvant ainsi modifier le cours de sa visite.
Reprenant son ancien intérêt pour la science du comportement, Carsten Höller a souvent travaillé sur les oiseaux, plus précisément sur les canaris. Canary Scale est la dernière itération de cette recherche. Deux cages de taille identique sont accrochées au plafond et reliées entre elles par une balance et contiennent un nombre identique de canaris d’espèces différentes. Les deux volières sont en plus similaires en termes de forme, poids et caractéristiques. L’aiguille et le curseur de la balance permettent au visiteur de savoir si les deux éléments pendent au même niveau, ou si les mouvements des oiseaux modifient l’équilibre. Le visiteur est penché et observe les différences de comportement des habitants de chaque cage: chant, modèles de vol, etc.
Même si le titre de Y peut sembler d’entrée extrêmement simple, les multiples interprétations évoquées et la complexité du sens en font un symbole parfait pour vivre une expérience à multiples facettes.
Höller encadrera aussi, un groupe de quinze jeunes artistes internationaux, dans l’Atelier des Arts Plastiques de Villa Iris organisé par la Fondation Botín. Depuis 1994 ces ateliers ont réuni chaque année à Santander des créateurs talentueux comme Juan Uslé, Gabriel Orozco, Julião Sarmento, Miroslaw Balka, Antoni Muntadas, Jannis Kounellis, Mona Hatoum, Paul Graham, Tacita Dean ou Carlos Garaicoa, parmi tant d’autres.
La Fondation Botín remercie la collaboration et l’implication de Inelcom et de la Collection Odeur Visuelle, deux sociétés espagnoles visionnaires qui grâce à leur savoir-faire ont permis à l’artiste de produire deux nouvelles «expérimentations». Mille mercis à la Hayward Gallery (Londres) et au Thyssen-Bornemisza Art Contemporary (Vienne), qui ont coproduit deux œuvres de cette exposition.